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1Monsieur, par votre lettre du XXIIme du passé, vous m’escrivistes que vous auriez bien à plaisir
2de savoir ce qu’auroit faict le prévost de justice à La Pérouze contre ceulx qui continuoient
3d’aller aux presches, nonobstant les ordonnances du roy et celles que je y avois faictes
4publier. Mais je ne vous y ay satisfaict plus tost qu’à cest’heure, pour cause de
5l’indisposition en laquelle depuis quelques jours en ça je me suis retrouvé et retrouve encores
6de présent, qui est toutesfois sans aucune fiebvre, Dieu mercy. Donques, je vous diray
7que ledit prévost adjourna tous ceulx qu’il trouva avoir contrevenu ausdites ordonnances
8à comparoistre trois jours après par devant moy, dont il y en eut quelques-ungs
9qui y vindrent avec une requete soubzsignée de tous les autres, par laquelle ilz me
10supplioient, non seullement de leur remettre et pardonner la faulte qu’ilz avoient commise,
11ais de leur permettre qu’ilz continuassent à faire leursdits presches ainsi qu’auparavant.
12Sur quoy, tant s’en fault que je le leur voullusse accorder, que de rechef je leur en
13feis, sur leur mesme requete, très expresse deffense sur griefves peines ; et néantmoins,
14selon que je suis advisé, ilz ne laissent pas de continuer, toutesfois occultement ;
15tant, que je me suis résolu de leur en faire porter la peine condigne à leur
16oultrecuydance et témérité, attendu mesmement qu’à ma prière et instance, monsieur
17le duc de Savoye a faict faire deffence très expresse à touttes les vallées
18circonvoysines de son obéissance que nul n’en sortist avec armes, ne en intention de
19les prandre et porter, pour qui ne pour quelque cause ou occasion que ce soit
20sans sa licence expresse. Et de faict, sans madite indisposition, je y eusse désjà donné
21commancement. Mais avec l’ayde de Dieu, ce sera tout soubdain avoir recouvert ma santé,
22de quoy je vous ay bien voullu advertir comme je feray de touttes autres choses qui en
23surviendront.
24Monsieur, il y a quattre ou cinq jours que ceste lettre a esté escritte jusques icy, mais ma
25malladie a esté cause du retardement d’icelle, pendent lequel j’ay esté advisé de bon lieu
26que ceulx de la religion du Daulphiné ont esleu pour chef ung qui se nomme Champolan,
27sieur de Champois, lequel a faict provision d’armes, pouldres et d’autres choses nécessaires à la
28guerre pour ceulx de ladite religion de son quartier, affin qu’ilz se tiennent prestz pour le
29premier advis, comme ilz font ; et va souvent dehors tant de jour que de nuict et tantost
30à pied, tantost à cheval, de sorte qu’il est à penser qu’il y a quelque menée ; et quant à moy,
31je le croy de tant plus que ceulx de deça font certains remuemens qu’ilz n’avoient poinct
32[v] accoustumé, et ce à la suscitation dudit Champolon qui en pense avoir secours et les joindre
33vec ceulx de vostre cousté ; et pense bien que ceulx de Pragela sont en partie cause desdits
34remuemens de cedit cousté, mais comme j’ay désja dict, je suis résolu soubdain estre guéry d’y
35mettre tout le bon ordre qui me sera possible et de chastier ceulx qui sont soubz ma
36charge. Au reste, il y a environ trois mil Espagnolz qui se sont desembarquez il y a
37quelque douze jours au port de Bayo, lesquelz sont logez dedans le pays des Langues,
38es lieux qui sont de l’Estat de Millan où on les a départiz pour les refreschir comme
39on dict. Ilz sont fort près de nous et ne say qu’en estimer de bon. Et me remettant
40à ce que le temps nous en apprandra, je feray fin par mes bien affectionnées recommandations
41à votre bonne grâce, priant Dieu,
42Monsieur, qu’il vous doint en santé, bonne et longue vie. De Saluces, le
43XXIIIIe jour de décembre 1572.
44Votre plus affectionné à vous faire service
45Ludovico Birago